Une récente publication de Valentini Konstantinidou et ses collaborateurs de l’Université Pompeu Fabra, de Barcelone démontrent l’effet bénéfique de l’huile d’olive sur la réduction de maladies cardiovasculaire. Le but de l’étude était de vérifier les effets associés au traditionnel « régime crétois » et la consumation d’huile d’olive vierge sur les modifications de l’expression de gènes liées à l’athérosclérose. Cette étude clinique, a été réalisée sur 90 volontaires âgés de 20 à 50 ans, dans des conditions statistiques rigoureuses et sur une période de 3 mois.
Ses résultats sont probants : les chercheurs ont pu démontrer une diminution de l’expression de gènes directement lies à l’inflammation et au stress oxydatif, ayant des effets néfastes sur le système cardiovasculaire. Notamment - et selon les termes scientifiques complexes utilisés - de l’INF gamma, de la Rho GTPase-activating protein-15, du récepteur de l’Interleukine-7. Pour le stress oxydatif, des récepteur adrénergique béta 2 (ADRB2) et de la polymérase DNA-directed.
Ce travail met en lumière que des polyphénols contenus dans l’huile d’olive vierge possèdent une activité « nutrigénomique ». C’est le terme désormais employé pour rendre compte de l’action de certaines substances provenant de l’alimentation sur l’expression des gènes. De manière plus générale, l’influence du comportement humain (nutrition, exercice, gestion du stress) sur la modulation de l’expression du programme génétique, fait l’objet d’un domaine plus large appelé « épigénétique ». D’importants progrès devraient découler de la poursuite de travaux réalisés depuis cinq ans dans ce secteur. Le terme « épigénétique » implique qu’il existe plusieurs lectures possibles du code génétique d’un organisme vivant. Ces différentes lectures prennent en compte des facteurs externes qui vont influencer les caractéristiques et le devenir d’un individu. Des facteurs capables d’agir, par exemple, sur les « gaines » de protection de l’ADN (des protéines appelés « histones »), qui révèlent ou cachent les gènes pouvant être exprimés ou non. Ces gaines – de manière analogue à une fermeture éclair - peuvent être bloquées ou ouvertes par des agents chimiques, dits « de méthylation » ou « d’acétylation ». Des agents qui modifient ces histones et influent donc sur leurs propriétés physico-chimiques et biologique.
Un autre concept est apparu dans ce contexte, la notion d’hormèse (hormesis en anglais). Il implique que les humains et les animaux ont « appris » au cours de leur évolution et de leur histoire à savoir utiliser les effets bénéfiques de plantes produisant des molécules capables d’agir directement sur les gènes pour en moduler l’expression. Ainsi le tannin de certains vins contient du resvératrol, une phytohormone permettant d’expliquer la réduction de maladies cardiovasculaires (« le paradoxe français »). Le thé vert, le curcumin, le jus de grenade, le chocolat noir, les brocolis, les myrtilles, l’ail ou le ginseng, contiennent aussi des molécules qui se sont révélé agir sur l’expression de certains gènes. Une théorie qui trouve un écho favorable dans les milieux prônant la prévention des maladies grâce à une nutrition équilibrée. En effet, pour les théoriciens de l’hormèse, certaines substances considérées comme toxiques peuvent être anodines ou même bénéfiques à petites doses. Comme l’écrivait Paracelse : « Tout est poison, rien n'est poison, seul la dose fait la différence.».
L’avancée la plus remarquable de l’épigénétique sera sans doute la remise en question du « dogme » de la biologie moléculaire des années 1960 à 1980 reposant sur l’affirmation que l’ADN serait seul responsable de la modification des cellules, de l’évolution du corps humain, des animaux, ou des plantes. En réalité, l’ADN n’est pas l’unique source ou le seul générateur aléatoire de diversité. C’est surtout l’épigénèse qui permet une telle diversité, grâce à la régulation de l’expression des gènes.
Les travaux sur l’épigénétique, la nutrigénomique et l’hormèse, permettront une meilleure compréhension des pathologies dites « dégénératives ». Ils conduiront à la possibilité de créer des armes plus efficaces pour lutter contre les effets néfastes de certains gènes. Par exemple de ceux dont un individu aurait hérité dans son patrimoine génétique, puis dont il aurait exacerbé les effets par un comportement « à risque » (par exemple fumer, manger trop gras ou trop sucré, ne pas pratiquer d’exercice physique, ou vivre dans un milieu pollué).
Publications citées :
“In vivo nutrigenomic effects of virgin olive oil polyphenols within the frame of the Mediterranean diet: a randomized controlled trial“, Valentini Konstantinidou, et coll., FASEB Journal, Published online before print February 23, 2010 as doi: 10.1096/fj.09-148452.
“Olive oil and cardiovascular health”. Covas MI, Konstantinidou V, Fitó M., Cardiovascular Risk and Nutrition Research Group, Institut Municipal d'Investigació Mèdica (IMIM), CIBER de Fisiopatología de la Obesidad y Nutrición (CIBEROBN), Barcelona, Spain. J Cardiovasc Pharmacol. 2009 Dec;54(6):477-82.