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Le Message de Joël de Rosnay

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CISEAUX MOLÉCULAIRES

Biologie - Octobre 1989

La vedette du colloque de la Sorbonne intitulé Patrimoine Génétique et Droits de l'Humanité a été sans conteste l'ADN, le plan de fabrication de tous les êtres vivants.

Mais son inséparable associé l'ARN fait aussi la une des revues scientifiques et pour deux raisons. D'abord à cause du prix Nobel de chimie qui vient d'être décerné à un jeune chercheur américain, Thomas Cech.

Ensuite pour une affaire de brevets pris par des australiens et dans laquelle une grande entreprise française, Limagrain, est engagée. Cette étonnante histoire mérite d'être racontée.

La molécule d'ARN est plus simple que l'ADN. Dans les cellules elle transporte les précieux messages génétiques dans les ateliers de montage de l'usine cellulaire.

Les scientifiques cherchant à comprendre l'origine de l'ADN et de la vie étaient bloqués depuis des années par le vieux problème de la poule et de l'oeuf.

Tout oeuf vient d'une poule, toute poule d'un oeuf, qui est arrivé le premier ? Dans la même logique il faut les plans de l'ADN pour fabriquer les premières protéines. Mais il faut aussi des protéines-enzymes pour assembler l'ADN.

Thomas Cech a brisé ce cercle vicieux en montrant que l'ARN primitif, fabriqué en l'absence de la vie (et sans doute avant l'ADN), pouvait être à la fois plans et machines-outils. C'est à dire contenir l'information biologique mais aussi accélérer, catalyser certaines réactions de la vie.

Cette propriété fondamentale a des applications industrielles. L'ARN agit comme ciseaux moléculaires en découpant d'autres ARN. Il peut donc désactiver des virus.

On pense évidemment au Sida mais aussi à la modification de plantes pour supprimer certains caractères indésirables. C'est ce qui a conduit un grand organisme de recherche australien à déposer des brevets sur les ciseaux miracles.

En juillet dernier la société Limagrain lance avec les australiens une joint-venture avec licence à la clé. Patatras ! Thomas Cech revendique aujourd'hui la priorité pour son brevet déposé en 1986.

Belle bataille juridique en perspective. Comme quoi on peut être à la fois prix Nobel et homme d'affaire avisé !