Biologie - Novembre 1991
Un véritable scandale international est en train d'éclater dans le monde de l'industrie bio-pharmaceutique. Le célèbre Institut National de la Santé, le NIH américain, se prépare à déposer des brevets sur des gènes humains, bloquant ainsi les droits industriels de centaines d'entreprises mondiales.
Pour bien comprendre les enjeux, il faut remonter au fameux "projet Génome" dont la presse a largement parlé. Il s'agit d'un ambitieux programme international visant à déchiffrer l'information héréditaire contenue dans les gènes humains en découpant morceau par morceau la molécule d'ADN. La tâche est gigantesque puisque le génome de l'homme renferme 3 milliards de signes codés sous la forme de molécules se succédant dans un ordre précis. La mise au point de machines automatiques permet aujourd'hui de découper entre 10000 et 15000 signes de ce code par jour mais l'ensemble de la tâche prendrait quand même des années à plusieurs équipes internationales.
Une voie très astucieuse consiste à séquencer l'ADN dit complémentaire qui détermine l'information portée par l'ARN messager, la molécule qui programme les ateliers de montage des protéines. On se concentre ainsi sur les seuls gènes essentiels à la vie cellulaire alors que le génome contient une quantité énorme d'ADN "dormant" jamais exprimé et qu'il est donc inutile de décoder. C'est la voie rapide choisie par le NIH.
Des demandes de brevets viennent d'être déposés pour 337 gènes humains inconnus et devraient se poursuivre au rythme de 1000 par mois. Ceci a provoqué une levée de boucliers de toute l'industrie biotechnologique : imaginez une entreprise ayant caractérisé à grand peine un gène essentiel pour la production d'un médicament et qui veut le breveter : elle se trouve bloquée par la stratégie du NIH . Des accords devront être rapidement trouvés pour éviter une chasse gardée préjudiciable à l'avancement d'un des plus grands projets de recherche contemporains.