Environnement - Novembre 1992
Les plantes sont vraiment plus "intelligentes" qu'on ne le pensait. On vient de découvrir dans le blé un système de défense contre les parasites qui implique l'ensemble de la plante et pas seulement les feuilles attaquées.
Le plus étonnant est que cette sorte d'immunité naturelle met en jeu un partenaire extérieur à la plante, une petite guêpe appelée à la rescousse pour débarrasser le blé des chenilles qui l'attaquent. Cet extraordinaire mécanisme a été mis en lumière par une équipe de chercheurs du Département américain de l'Agriculture dirigée par Ted Turlings et James Tumlinson. Leur objectif est de s'en servir pour développer des nouvelles formes de protection du blé et d'autres plantes contres les parasites, sans utiliser de produits nocifs pour l'environnement. Quand une feuille commence a être mangée par des chenilles, la plante dans son ensemble émet un signal d'alerte déclenché par des substances contenues dans la salive ou le système digestif des prédateurs. Ce signal est une molécule de la famille des terpènes, suffisamment volatile pour être transportée à distance par le vent. Cet appel au secours est reconnu par des petites guêpes innoffensives pour l'homme ou les animaux et qui se trouvent alors attirées jusqu'à l'endroit de la blessure. Elles se fixent sur les chenilles et y pondent aussitôt un oeuf en l'injectant à l'intérieur du prédateur. Des larves s'y développent très rapidement et détruisent les chenilles en les cannibalisant. Les chercheurs savaient déjà que des signaux chimiques pouvaient être émis par des feuilles attaquées, notamment dans le soja ou le coton. Mais c'est la première fois qu'on démontre qu'un signal d'alerte envoyé par l'ensemble de la plante d'une manière systémique servait à alerter une autre espèce vivante. La route est ouverte pour la modification génétique de plantes capables de se défendre sans qu'il soit nécessaire de recourir à des pesticides dangereux.